Extrait du soleil de la Floride (Robert Leblond)
Désolant et pathétique…
Il y a de ces coïncidences parfois. Il y a quelques jours, en allant faire des emplettes aux Galeries de Granby, j’aperçois un superbe motorisé de classe B stationné avec un écriteau À VENDRE. Intéressés, mon épouse et moi en faisons le tour par curiosité.
Un p’tit comique, âgé je dirais du début de la soixantaine, regardait lui aussi le véhicule. Sans savoir qui j’étais naturellement, il commence à me décrire tout l’intérieur et patati et patata. À l’écouter parler, il en connaissait plus que le fabriquant, vous voyez le portrait ? Un vrai Ti-Joe-connaissant… Et patati et patata… « Moé, le mien, est pas mal mieux que ça. Moé, le mien, je le vends pour 19 000 $. Celui-là, il ne vaut pas 45 000 $ (c’était le prix demandé) ». Moé par ci, moé par là… « Pis moé, je passe mes hivers en Floride, oui môssieur, avec mon motorisé de 19 000 $ ». Ah bon, fis-je, intrigué par ce compatriote Snowbird. -Et où êtes vous installé, dans un terrain de camping ou un autre parc ? Dans quelle région de la Floride allez-vous ? Tout fier de lui, il nous regarda de son air Ti-Joe connaissant, bien au-delà de ses affaires. -Moé, mossieur, ça me coûte pas cher. -Que voulez-vous dire ? -Ben moé je passe l’hiver parqué dans un centre d’achat. Pas question que je leur laisse de l’argent à eux autres (lire les Américains). Non mossieur, moé je m’installe pendant trois mois dans le parking d’un Wal-Mart. Y nous tolèrent. Pis ça me coûte juste cinq piasses pour me vider à chaque semaine, hé hé! Je n’en revenais pas. En poursuivant la conversation, j’ai appris qu’il passait ses journées à se faire dorer la bedaine sur l’asphalte dans ce stationnement gratuit, à des milles et des milles de la plage. Et il n’est pas seul. -Ben non, on est une vingtaine de motorisés, pis y’en a des gros à 100 000 $. On s’installe un à côté de l’autre pis on sauve de l’argent. Changement de décor : l’an dernier, je me promenais sur le broadwalk derrière deux Québécois dont l’un avait un baladeur, avec les écouteurs sur les oreilles. Soudain, le baladeur rend l’âme. Il se retourna vers son copain : -Aie, m’a attendre de revenir au Québec pour m’acheter des batteries. C’est ben trop cher ici et pas question que je leur laisse de l’argent icitte. Quand j’vas revenir chez nous, j’vas aller chez Wal-Mart, disait-il tout fier. Un moment donné, je fais la connaissance d’un résident des Laurentides par hasard sur la plage. Parle parle, jase, jase. Un autre Ti-Joe connaissant… Je lui demande où il réside à Hollywood. -Ha ha! Moé ça me coûte pas cher. Chu ici pour juste une semaine, sans ma femme. J’ai pris mon char pis j’ai descendu d’une traite pis là, chu parqué dans le parking du Walgreen. Je couche dans mon char et y m’achalent pas. J’va chez Publix à côté m’acheter du jambon pour me faire des sandwichs pis aller aux toilettes. J’ai emmené mon bicycle pis je vais à la plage avec, j’ai pas besoin de payer pour me stationner. Eux-autres, y auront pas mon argent. Ouf! Mais, pour vous doucher ? -Facile, y’a plein de douches sur la plage, me lance-t-il tout fier de son coup. La morale de cette histoire : heureusement qu’ils ne sont pas nombreux nos compatriotes que l’on surnomme si « affectueusement » nos El Cheapos mais de tels agissements et comportements ternissent la belle image que projettent les vrais dizaines de milliers de touristes et de Snowbirds qui, tous ensemble et avec grand plaisir, injectent un peu d’argent dans l’économie américaine qui elle, les accueille avec encore plus de chaleur année après année. Et je pourrais vous en raconter d’autres du même genre. Désolant et pathétique à la fois…
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